Pays Bédik

Depuis quelques jours je suis en France. J’accompagne une délégation de Guédiawaye à Castres-Mazamet pour envisager le futur de la coopération. Le temps est magnifique, les paysages verdoyants et les orchidées naissantes. J’apprécie réellement ce retour et je me rends compte de mon évolution en un an.

Lente évolution. Pourtant, un lieu m’a marqué profondément : le pays Bédik.

L’art des gens ou l’argent ?

On pourra me répondre ce que l’on veut, mais je constate que depuis que je voyage, je rencontre des gens souriants, généreux et beaucoup plus pauvres que moi. Étrange impression de se dire que nous (en tant qu’européen) qui possédons la quasi totalité des richesses, nous n’avons pas forcément les mêmes qualités humaines. Serais-je capable d’accueillir à bras ouvert un milliardaire (je suis un milliardaire en comparaison de leurs revenus : moins d’1 euro par jour) chez moi sans avoir la tentation de le dépouiller ?

Je ne sais toujours pas comment les bédiks survivent. Installés sur le haut de la montagne, le fidèle puits s’est tari. Le nouveau est en bas de la montagne. Tous les jours, il faut remonter l’eau. Aucune agriculture et aucune source de revenu pendant la saison sèche si ce n’est les quelques rares groupes de touristes (1 à 2 par mois ?) qui viennent acheter de l’artisanat.

Quand nous sommes venus, nous avons eu l’impression que les Bédiks n’avaient rien. Si, ils avaient quelque chose de beau : leurs sourires, la joie . Les enfants sont crapous mais terriblement mignons et curieux. Les femmes ont le regard dur des gens qui ont souffert. Les hommes travaillent et restent à l’écart silencieusement. Derrière le village nous découvrons une vue imprenable sur une plaine sèche où l’horizon lui-même est masqué par une brume de chaleur.

Durant les jours suivants, Seb Anne et moi avons beaucoup échangé. Nous avons vécu un moment unique et partagé. Cette expérience intime je l’ai digéré pendant deux mois. Deux mois où des débats franco-français me semblaient déconnectés de toute réalité. Comment avons-nous réussi à justifier le refus d’un simple geste d’humanité à des migrants pour des raisons économiques / politiques ? Pourquoi avons-nous si peur tout d’un coup ? Existe t’il un mot bédik pour définir cela ?

Et si on revenait à des fondamentaux ? Devenir. Vivre ensemble.

Depuis que j’ai réussi à faire ce premier pas dans les Cévennes (un peu n’importe comment d’ailleurs), j’ai simplement moins peur. Anne, récemment, m’a fait cette confidence : « Votre Maman vous a appris à aimer les autres ». Merci (je n’ai pas d’autre mot). Pourtant ce n’est pas facile : encore aujourd’hui j’ai eu envie de secouer un imbécile !

C’est une évidence, je suis devenu un sénégaulois ! Au Sénégal, c’est une boutade, mais une partie de moi est devenu sénégalaise (maintenant je suis systématiquement en retard 🙂 ), je suis sérieux (pas pour le retard), j’ai quelque chose de sénégalais (et je suis assez fier en fait).

Comment ne pas remercier Marc, notre guide, pour cette randonnée en pays Bédik. Un guide réellement incroyable. Je recommande Marc Keïta, disponible au campement Léontine.

Bonus :

Il devrait intéresser les amateurs de champignons !

5 réponses
  1. claire
    claire dit :

    Je crois que la rançon de notre confort était une aliénation de notre liberté et d’une certaine joie de vivre…
    La Fontaine, dans Le Loup et le Chien, une de mes fables préférées, le dit plus joliment que moi.
    Bises et à la semaine prochaine…

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